compétitivité et attractivité du système juridique


compétitivité et attractivité du système juridique

Le Grenelle du droit s’est lancé sur une matinée dédiée à « la puissance et la place du droit dans l’économie globale et la société », a expliqué Stéphanie Fougou, avec une plénière intitulée “Compétitivité et place du droit, l’enjeu de la justice de demain”.

Un panel de sept experts, et Marc Mossé en “agitateur d’idées”, a fait le tour de cette question centrale et fédératrice de la filière juridique.

Guy Canivet, aujourd’hui président du Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP), qui a remis récemment un rapport sur la modernisation de la Justice avec l’Institut Montaigne (lire encadré), a défini la compétitivité de la norme – « un critère récent apparu avec la mondialisation » – comme l’aptitude d’un système juridique à attirer des activités.

Cela fait ainsi plusieurs années que la Banque mondiale classe les droits les uns par rapport aux autres sur ce critère.

Instabilité normative

L’attractivité économique du droit est « une notion que les Anglais ont beaucoup mieux comprise que nous », selon l’illustre magistrat. La France a donc beaucoup à apprendre du Royaume-Uni qui a instauré une véritable stratégie politique de développement du Common law. C’est précisément pour améliorer la compétitivité juridique française que le HCPJ a été créé par les institutions de Paris qui relèvent « un gros problème de volatilité de la norme ».

L’instabilité judiciaire et réglementaire est la première cause de départ des centres de décisions des grands groupes a souligné Anne Outin-Adam, directrice du pôle juridique et législatif de la CCIP.

Sans parler de l’instabilité jurisprudentielle. L’avocat Louis Vogel a amusé la galerie avec une anecdote sur un ouvrage belge de jurisprudence comparée dont l’auteur a exclu la France car il ne comprenait rien aux arrêts de la Cour de cassation.

Pourtant, les investissements directs étrangers en France augmentent exponentiellement alors qu’ils baissent en Europe depuis trois ans. Une tendance positive qui peut se conforter car le pays est très attractif, notamment « grâce au discours pro-entreprises du nouveau Président et face au Royaume-Uni englué dans le Brexit », selon Anne Outin-Adam.

Carence de publicité

Pour cette experte, l’Hexagone a tout pour être un grand hub juridique. Il ne manque plus qu’une bonne promotion. Toutefois, « nous avons une vision de l’attractivité de la norme uniquement basée sur les facteurs juridiques alors que ça tient à tout un écosystème », selon elle, lié à la place financière de Paris, la réputation de ses juridictions, sa place arbitrale, la qualité des law schools, des praticiens, des Pouvoirs publics…

« L’attractivité du droit n’est pas qu’une question de droit », a confirmé Aurélien Hamelle, directeur juridique du groupe Total. Pour lui, il s’agit aussi d’une question politico-économique. Son expérience internationale lui a confirmé que le droit français n’a rien à envier à d’autres systèmes juridiques, parfois plus complexes et obscurs. Il faut donc que les juristes « le dédramatisent et le mettent en avant ».

Frank Gentin a ainsi mis en avant les progrès réalisés par le tribunal de commerce de Paris en matière de gestion des délais et de linguistique. L’anglais étant la langue du droit des affaires, la capacité du TC à rendre des jugements en anglais est « une question majeure d’attractivité » pour le président de Paris Place de Droit.

« Pour attirer les entreprises et les convaincre d’utiliser le droit français, il faut le vendre », a souligné Louis Vogel, qui estime toutefois qu’il n’est « pas encore assez efficace et beaucoup trop protectionniste » pour en faire la promotion.

Besoin de coopération

« Il y a un véritable problème de balkanisation de la filière », a dénoncé l’avocat Kami Haeri. Un point sur lequel tous les intervenants avaient leur mot à dire. L’ancien avocat devenu directeur juridique, Aurélien Hamelle, a même dénoncé « la méfiance entre les différents acteurs du droit en France », au contraire des pays anglo-saxons où les professionnels coopèrent. « Le grand point faible de l’attractivité du droit français est que ses praticiens ne se connaissent pas », a-t-il conclu en souhaitant qu’il y ait davantage de collaboration et de mobilité dans la filière.

Une vision partagée par Kami Haeri pour qui « une réflexion est à mener sur l’attractivité de notre droit à travers les questions de la formation et de la mobilité des juristes qui ont tous été assis sur les mêmes bancs à la fac ». La cofondatrice de l’Incubateur du barreau de Paris, Lise Damelet, a ainsi émis l’idée d’une grande école commune aux professions du droit et la création d’un organe national dédié à la justice et au numérique.

Un besoin de coopération nécessaire aussi dans la fabrique du droit, au moment de l’élaboration des normes. Le constat partagé par tous les intervenants a été formulé par Louis Vogel : « dans l’immédiat, en ce qui concerne la loi, ce qui est facile à faire est d’impliquer les praticiens a priori et non a posteriori ».

Guy Canivet est ainsi convaincu que pour l’enjeu de la justice de demain il faut créer un rapport dynamique entre ceux qui font la norme et ceux qui l’utilisent.

Une filière en pleine expansion

Les résultats de l’Observatoire des acteurs économiques du droit 2017, réalisé sous l’égide de l’AFJE, du Cercle Montesquieu et EY Société d’avocats, sont de bon augure.

Cette deuxième édition de l’étude, créée en 2015 afin de décrypter la dynamique économique de la filière juridique, montre un certain « alignement des planètes » selon ses auteurs : Stéphane Baller, partner EY auteur de l’Observatoire des directions juridiques, et Bruno Deffains, professeur agrégé de sciences économiques de l’université Paris 2 Panthéon-Assas et directeur du Centre de recherche économie et droit.

La filière « en pleine expansion » contribue à hauteur de 31,1 milliards d’euros au PIB annuel de la France, avec 431 820 emplois directs, à peu de chose près le poids économique du secteur de l’agriculture.

« Le premier constat que j’en fais, contrairement à ce qu’on peut entendre parfois, est que c’est une filière créatrice d’emplois, de valeur, qui a un vrai poids économique », décrypte Stéphanie Fougou, présidente de l’AFJE.

Ces deux dernières années, nombreuses sont les professions juridiques qui ont connu une augmentation de leur activité et du nombre d’emplois comme le barreau (+ 5 257 avocats), les juristes d’entreprise (+ 1 200), les notaires (+ 821), les autorités administratives indépendantes boostées par les nouvelles réglementations comme Sapin II (+ 721) et les entreprises spécialisées du secteur (+ 466 ).

Par ailleurs, la réalité est sans doute encore plus rose car de nombreux secteurs du droit, très lucratifs, sont opaques. Les auteurs de l’étude se sont ainsi heurtés à l’absence de données pour les compliance officers, les conseillers informatiques et liberté, les conseils en éthiques et déontologie, les conseillers patrimoniaux, l’activité juridique et fiscale des experts-comptables, mais aussi celle des professionnels des modes amiables de résolution des différends – MARD (médiation, arbitrage, droit collaboratif…). Sans compter que de nouveaux métiers sont en train de se créer autour du droit, à l’instar des contract managers ou des data protection officers (DPO), et que les legaltechs embauchent à l’appel.

https://www.affiches-parisiennes.com/booster-la-competitivite-et-la-place-du-droit-francais-7567.html


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