L’OMC peut-elle encore assurer la progression du libre-échange ?
L’OMC, what’s that ?!
Le 1er janvier 1995 à Genève naquit l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : comme son nom l’indique, c’est une organisation, et non un simple accord comme le fut son papa le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Importante différence ! L’OMC dispose d’autorité grâce à l’Organe de Règlement des Différends (ORD), qui sanctionne les pays ne respectant pas les règles instaurées concernant le commerce international, et plus généralement l’organisation vise « à garantir une concurrence ouverte, loyale et exempte de distorsions ». Ces règles sont édictées lors de négociations commerciales multilatérales (NCM) entre les (très) nombreux pays membres (164 au total) et s’inscrivent dans les Accords de l’OMC.
Deux accords sont importants : d’abord, l’ADPIC, Aspect des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (citons la protection des brevets pour éviter toute concurrence déloyale). Ensuite, l’Accord SPS, sur les produits Sanitaires et Phytosanitaires (la nation doit justifier ses interdictions d’importation d’un ou plusieurs produits par des données scientifiques) : cet accord a pour but d’éviter les formes de protectionnisme déguisé.
L’OMC : « l’institution du libre-échange »
Des mots que tu entends souvent mais pour lesquels tu as du mal à donner une définition… Alors c’est parti ! Le libre-échange est un principe visant à faire progresser le commerce international en permettant une diminution des barrières tarifaires (droits de douane) et des barrières non tarifaires (quotas ou contingentements). Ainsi, il est aisé de comprendre que ce principe favorise les échanges à l’échelle internationale, et un pays peut donc se procurer plus facilement un bien qu’il ne peut produire ou qu’il ne peut que produire à un coût plus élevé, conformément à la théorie des avantages comparatifs de Ricardo.
Comme dit précédemment, l’OMC vise à empêcher le repli protectionniste qui porte préjudice au fonctionnement du commerce international, et y est parvenue apparemment efficacement. Depuis sa création, les quotas, prônés par les mercantilistes, ont été interdits dans la plupart des secteurs et remplacés par des droits de douane, qui sont passés de 14% en 1997 à 4% aujourd’hui, soit une diminution de 10 points, favorisant ainsi l’ouverture des pays. Dans le cas contraire, comme le montre le modèle standard du commerce international, la présence de droits de douane diminue le volume des importations et permet donc à la production nationale d’augmenter, ce qui favorise le surplus du producteur au détriment de celui du consommateur : il y a alors une perte de surplus global.
Ainsi, grâce à la baisse des droits de douane, l’OMC permet de limiter l’effet frontière. Cependant, force est de constater que la baisse la plus importante des droits de douane a eu lieu avant l’année 2000, lors du Cycle d’Uruguay de 1986 à 1994, soit avant la naissance de l’OMC : alors qu’en 1947, les droits de douane atteignaient 40%, ils valaient 14% en 1997 : 60 pays avaient entrepris un processus de libéralisation de leur économie. À cette difficulté s’ajoute celle du contrôle de l’interdiction des subventions à l‘exportation et des normes techniques… L’OMC : bientôt la fin ?
La crise de l’OMC
Cette crise fait suite à l’échec du cycle de Doha en 2001 lorsque les pays membres ne sont pas parvenus à conclure un accord concernant le développement des pays en développement (PED) : difficile de mettre 164 pays d’accord quand les intérêts divergent… Il était notamment question des barrières non tarifaires, celles qui concernent la qualité des produits : des pratiques bureaucratiques permettent de contourner les règles imposées par l’OMC : en 1982, la France contraignait les pays qui voulaient exporter sur son territoire à indiquer l’origine des produits et à rédiger les documents administratifs en français…
Lors du cycle de Doha, les pays industrialisés développés (PID) accusèrent les PED de dumpingécologique et social et donc de concurrence déloyale. Ces derniers répondirent que ces accusations n’étaient qu’une manière pour les PID d’empêcher la progression de la compétitivité des pays du Sud en leur interdisant l’accès aux marchés des pays du Nord. Et comme si les choses n’étaient pas déjà assez compliquées, à cette expérience s’est ajouté en 2013 le bilan décevant du Paquet de Bali : trop peu d’accords concernant le commerce électronique et les subventions agricoles à l’exportation.
Les affaires ne vont pas mieux pour l’OMC aujourd’hui ; en effet, les tentations protectionnistes comme conséquence de la Grande Récession de 2008 rendent difficile le travail de l’OMC. Certains, comme Jacques Sapir, vont même jusqu’à parler de « démondialisation », notant une hausse des restrictions aux exportations concernant les produits agricoles, ainsi que des restrictions aux importations. Même si, selon Pascal Lamy, ex-dirigeant de l’OMC, seul 1% du commerce international a effectivement été touché par le protectionnisme, le reste du ralentissement s’expliquant par la mauvaise conjoncture économique liée à la crise de 2008.
De fait, on ne peut plus compter que sur l’OMC pour assurer la progression du libre-échange
Le GATT et l’OMC ont permis une baisse non négligeable des barrières tarifaires depuis le milieu du XXe siècle, de sorte qu’entre 1950 et 2001 le volume des exportations a été multiplié par 33. Mais la progression du libre-échange et le développement du commerce international ont aussi été rendus possibles grâce à la mise en oeuvre de la division internationale du processus productif (DIPP) : on n’assiste plus seulement à un commerce entre pays mais entre firmes transnationales (FTN), qui fragmentent la chaîne productive dans les quatre coins de la planète : la baisse des coûts des transports, soit une baisse des coûts de transaction, ont joué un rôle significatif dans ce processus de libéralisation des échanges commerciaux.
Plus spécifiquement, ce sont les accords régionaux de commerce (ACR) qui permettent aujourd’hui la progression du libre-échange, comme le GATT et l’OMC l’avaient permis autrefois : en juin 2016, chaque pays membre de l’OMC est concerné par un ACR, et cette création de trafic permet une véritable libéralisation des échanges commerciaux. Les ACR restent sous le contrôle de l’OMC, et sont des accords bilatéraux ou plurilatéraux. Leur développement s’explique notamment par le fait que les accords multilatéraux s’avèrent être un véritable casse-tête pour tous les pays car il est difficile de mettre 164 pays d’accord sur des normes environnementales ou sur l’investissement, comme on a pu le constater lors du cycle de Doha. De plus en plus, ces accord régionaux ne se limitent pas seulement à la région ; prenons le cas de la France : elle est aussi bien signataire d’accords régionaux de commerce avec la Belgique, le Luxembourg et l’Italie, qu’avec le Maroc, le Groenland ou le Mexique ! Ces accords appelés « régionaux », par effet domino, peuvent avoir pour conséquence la création d’une vaste union douanière : le libre-échange qui progresse à l’intérieur d’une zone n’empêche pas sa progression à l’échelle mondiale. C’est justement en cela que les ACR, plus que de simples compléments aux NCM, peuvent être, ou du moins devenir, des substituts à ces accords qui demandent à être votés à l’unanimité.
Conclusion
L’autorité mondiale qu’est l’OMC a su empêcher dans les faits le retour au protectionnisme malgré la crise de 2008. La Grande Dépression avait entraîné au XIXe siècle l’instauration du Tarif Méline en 1891 en France, et fait apparaître un protectionnisme de richesse aux Etats-Unis. Mais alors que suite à la Grande Crise de 1929, les gouvernements ont eu recours à des instruments protectionnistes qui n’ont fait qu’aggraver la crise jusqu’à sombrer dans la dépression, la crise des subprimes de 2008 n’a pas entraîné de replis protectionnistes, grâce justement à la présence d’institutions comme l’OMC.
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