stabilité financière et attractivité du système financier marocain


stabilité financière et attractivité du système financier marocain

L’attractivité d’un pays pour les investissements est incontestablement inhérente aux conditions de financement de son économie. À ce titre, elle est tributaire de l’existence d’un secteur bancaire efficace et d’un marché de capitaux efficient capable de drainer une épargne longue vers le secteur productif. Ainsi, pour sortir d’un état de léthargie, le Maroc a engagé un véritable mouvement de modernisation afin de permettre à son système financier de remplir les deux fonctions principales suivantes : produire les informations nécessaires à la réalisation des transactions financières ; traiter les risques d’investissement et les répartir au mieux entre les agents économiques. Ce mouvement de modernisation a été caractérisé par un ensemble de réformes financières visant le secteur bancaire, la bourse des valeurs et, d’une manière générale, l’environnement financier.

2Bénéficiant d’un appui financier important de l’Union européenne, le Maroc est tenu de poursuivre et d’intensifier le chantier de sa modernisation économique et sociale en se rapprochant plus rapidement des normes et standards internationaux. Dans cette perspective, le pays s’est engagé à entreprendre la mise en place d’une série de réformes visant à favoriser son ouverture sur les marchés mondiaux.

3La présente contribution a pour objectif, premièrement, de mettre en exergue les différentes mesures visant, à travers le projet « Casablanca Finance City », à faire de la capitale économique du royaume, Casablanca, un centre financier régional et international et, deuxièmement, de revenir sur les réformes importantes qu’a connues le système financier marocain à partir des années 90.

Les ambitions régionales et internationales de la place financière de Casablanca

4Si Tanger est en voie de devenir un véritable pôle de l’industrie automobile, Casablanca, avec la dynamique socio-économique qu’elle connaît actuellement et les nombreux projets structurants qui y sont lancés, est en passe de se positionner, grâce à la création de « Casablanca Finance City » (CFC), comme une véritable plateforme régionale pour les métiers de la finance. Passerelle financière pour les investisseurs désireux d’accéder aux marchés en croissance rapide du continent africain, ce projet de place financière internationale ouvre des perspectives prometteuses pour l’attrait des capitaux et le développement de nouveaux métiers. Il devrait à terme générer entre 7 et 12 milliards de dirhams, augmenter de près de 2 % le PIB et créer entre 35 000 et 55 000 emplois. Casablanca Finance City ambitionne de devenir le premier centre d’affaires régional et le hub financier international de référence servant en priorité le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. L’objectif, dans un premier temps, est de dépasser les 60 milliards d’euros de capitalisation enregistrée à l’Egyptian Exchange et de prendre ainsi de l’avance sur les autres projets de places financières régionales, prévus à Alger et à Tunis.

5Pour développer et piloter le projet a été créé le Moroccan Financial Board (MFB) devenu la Casablanca Finance City Autority (CFCA). L’actionnariat de cette société gestionnaire de la future place financière est partagé, pour le secteur public, entre la Banque centrale (Bank Al Maghrib), la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et la Bourse de Casablanca. Il se partage entre les banques Attijariwafa bank, BMCE Bank et Groupe Banques populaires, et les assurances MAMDA, CNIA, Atlanta-Sanade et AXA, pour le secteur privé. Cette société a pour mission la promotion de la place, d’une part, en effectuant notamment des roadshows auprès des investisseurs internationaux potentiels et, d’autre part, en scellant des partenariats avec différentes grandes institutions (Singapour, Luxembourg, Londres, etc.). Dans cet objectif, de nombreux avantages fiscaux sont proposés. En effet, soucieux de garantir la réussite de ce projet d’envergure, le législateur marocain a introduit une kyrielle de mesures incitatives destinées à asseoir les bases légales permettant à la place casablancaise d’être compétitive et attractive (lois 44-10 et 68-12). En ce sens, les entreprises qui peuvent prétendre au statut « Casablanca Finance City » bénéficieront d’un régime fiscal de faveur. Les entreprises exportatrices de services seront exonérées de l’impôt sur les sociétés (IS) pendant les cinq premières années et soumises à un taux réduit de 8,75 %, passé ce délai. L’exonération porte sur leurs ventes à l’export et sur les plus-values mobilières de source étrangère. Les sièges régionaux et internationaux seront soumis, quant à eux, à un taux de l’IS de seulement 10 %, sur une base imposable dont le montant ne peut être inférieur à 5 % des charges de fonctionnement. Pour attirer des compétences de haut niveau, la place casablancaise a également prévu un régime fiscal avantageux pour les ressortissants étrangers appelés à occuper un emploi dans une société bénéficiant du statut « CFC ». Ces derniers seront soumis à un régime d’imposition sur le revenu de seulement 20 %. Cette multitude d’avantages fiscaux séduira sans doute de nombreuses parties prenantes. D’autant que d’autres chantiers ont été mis en œuvre afin de globaliser l’offre marocaine, aussi bien dans le domaine de la formation, de la justice que de la connectivité (en l’occurrence le chantier de la zone d’Anfa, où sera bâti ce nouveau quartier de la finance internationale).

Le système financier soutien de la croissance économique

6Combinant ouverture économique, libéralisation financière et profondes réformes structurelles, le modèle économique marocain, malgré l’irrégularité de sa trajectoire depuis les années 80, a réussi la stabilisation des facteurs macro-économiques. Les bases de ce succès sont la modernisation de l’appareil productif, une discipline budgétaire accommodante et la crédibilité de la politique monétaire, lesquelles ont été rendues possible grâce à un cadre institutionnel et juridique stable.

7Le processus de diversification du tissu productif et de spécialisation dans des secteurs à forte valeur ajoutée, la politique des grands chantiers, l’important effort budgétaire aux profits des secteurs sociaux et la dynamique des réformes structurelles et institutionnelles ont permis au pays d’aborder dans des conditions relativement confortables la crise financière qui secoue le monde depuis 2008.

8Le Maroc a su capitaliser sur ses acquis et réaliser une croissance moyenne d’environ 5 %. Le « statut avancé » dont il bénéficie dans ses relations avec l’Union européenne et les différents accords de libre-échange signés avec des pays arabes, les États-Unis et la Turquie sont autant d’atouts pour séduire les investisseurs.

9La contribution du système financier à la croissance économique et à l’emploi concerne la facilitation des transactions, la collecte de l’épargne et l’allocation du capital vers les secteurs productifs. La dynamique de l’investissement, appuyée par un système financier restructuré et répondant aux standards internationaux, a renforcé, par ses effets accélérateurs, les fondements de la solidité et de la croissance de l’économie marocaine.

Les réformes réglementaires des années quatre-vingt-dix et des années deux mille

10Durant les deux dernières décennies, les conditions du financement de l’économie marocaine ont été nettement amendées. Dès 1993, des réformes importantes ont été accomplies, touchant l’ensemble des compartiments du système financier : le secteur bancaire, les marchés de capitaux et l’épargne institutionnelle. Plusieurs mesures ont été prises, notamment autour des axes suivants : le décloisonnement des marchés de capitaux, la libéralisation des opérations financières et la réforme du cadre réglementaire des banques et du marché financier.

11La réforme du marché des capitaux a été graduelle. Elle s’est attelée, en 1993, à la modernisation de la bourse de Casablanca, la création de sociétés de bourse et des organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM), ainsi qu’à l’instauration d’une entité de contrôle, le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) (dahir portant loi n° 1-93-212 du 21 septembre 1993). La réforme de la bourse a foisonné, en 1997, avec l’informatisation du système de cotation, la dématérialisation des titres, la création d’un dépositaire central (Maroclear) et la création d’un fonds de garantie pour les clients. Depuis 2006, les réformes introduites visent le renforcement de la transparence des OPCVM et celui des pouvoirs de contrôle du CDVM, ainsi que l’accroissement du système de sécurité des transactions (dahir n° 1-96-246 portant loi n° 35-96 du 9 janvier 1997). Dans ce lot de réformes, le gendarme de la bourse casablancaise dispose déjà de davantage de pouvoirs d’investigation et de sanction. Rebaptisé Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) par un nouveau texte de loi, le CDVM actuel bénéficiera de plus d’indépendance et répondra aux mêmes logiques d’organisation que ses homologues des bourses de Paris, de Londres ou encore de New York (Projet de loi n° 53.08 remplaçant le dahir portant promulgation de la loi n° 1-93-212).

12Le marché des capitaux reste cependant étroit, avec une contribution au financement de l’économie encore insuffisante. Le marché boursier, notamment, peine à jouer son rôle de financement de la sphère productive et des secteurs porteurs. Ainsi, autant les indices de la place boursière de Casablanca que sa capitalisation ou encore que le volume de ses échanges ont enregistré des performances mitigées ces trois dernières années. Cette tendance intervient dans un contexte marqué par l’insuffisance de l’épargne intérieure et la persistance du manque de liquidité bancaire, en raison du creusement du déficit commercial et de l’accentuation des pressions sur le compte courant de la balance des paiements.

13Concernant la réforme du secteur bancaire, depuis la loi bancaire de 1993, trois axes ont été introduits, en l’occurrence la refonte du cadre législatif régissant l’activité des institutions (principe de banque universelle, protection des déposants, surveillance du système bancaire), le renforcement de la réglementation prudentielle (adoption en 2001 d’un nouveau plan comptable pour les établissements de crédit et introduction des règles de Bâle II par la loi bancaire de 2006) en conformité avec les normes internationales (solvabilité, liquidité, gestion des risques, etc.) et la déréglementation de l’activité bancaire (emplois obligataires supprimés, taux d’intérêt libéralisés). Ces dernières années, les réformes ont été davantage orientées vers le renforcement des pouvoirs de la Banque centrale, de son indépendance et vers l’extension de son contrôle à l’ensemble des activités bancaires, et parallèlement elles ont cherché à mettre en œuvre une coordination étroite entre les autorités de contrôle du système financier.

14Par ailleurs, le taux de bancarisation a doublé en dix ans. Actuellement, les banques marocaines multiplient les formules (bientôt elles proposeront des produits de la finance islamique) afin de convaincre et d’attirer de nouveaux clients. L’objectif est de doper leur part de marché, de collecter davantage de dépôts et de faire face au manque de liquidité dont elles souffrent depuis l’éclatement de la crise financière internationale en 2008. Lorsque la Banque commerciale du Maroc (BCM) et Wafabank ont fusionné, en 2003, pour donner naissance au premier groupe bancaire privé du royaume, Attijariwafa bank, l’ordre établi dans le secteur en a été complètement chamboulé. Il s’est ensuivi une course à la taille, dans un marché qui comptait à peine 8 millions de personnes bancarisées. En effet, si la conquête de nouveaux marchés, notamment en Afrique, est en marche, le marché local reste un véritable gisement de croissance. C’est ainsi qu’en une décennie le secteur bancaire a vu son nombre d’agences passer du simple au double. Il compte aujourd’hui un peu plus de 5 100 guichets.

15Les réformes entreprises ont permis de doter le système financier marocain de tous les compartiments de marché (marché monétaire, marché financier, marché de changes, etc.) où sont traités de nombreux produits financiers (bons du Trésor, titres de créance négociables, actions, obligations, etc.), à travers les sociétés de bourse, les sociétés de gestion et les intermédiaires en valeurs du Trésor. Cependant, les résultats sont extrêmement inégaux et souvent marqués par une évolution assez erratique. Malgré un cadre institutionnel, législatif, réglementaire et une infrastructure technique mis à niveau, ces compartiments de marché ne jouent pas encore un rôle significatif dans le financement des investissements et ne constituent pas encore un véritable outil alternatif au financement bancaire. Le Maroc est parmi les pays émergents celui où la part du financement en provenance du marché reste faible : environ 2,5 % des investissements réalisés. Ainsi, afin d’accueillir et de retenir les entreprises étrangères, les autorités marocaines poursuivent d’importantes réformes destinées à proposer un environnement des affaires équivalent à celui des économies développées. Dans cette optique, la bourse de Casablanca souhaite mettre en place un marché à terme, afin de permettre aux compagnies d’assurances et aux banques de couvrir leurs risques sur le marché des capitaux. Ce projet, repoussé depuis de nombreuses années, fait désormais partie d’une ambition globale qui a pour nom « Casablanca Finance City ».

Relever le défi malgré les obstacles

16En dépit de quelques points de blocage (voir Teisserenc, 2014) et la persistance de certaines difficultés liées au contexte de crise internationale et à celui des perturbations politiques régionales, le système financier marocain poursuit sa mue. La place financière de Casablanca est un nouveau souffle, un nouvel édifice de l’architecture du système financier, qui confirme les efforts de modernisation déployés depuis des années.

  • 1 Selon The Global Financial Centres Index (GFCI, mars 2014), Casablanca Finance City occupe d’ores e (…)

17Le Maroc a, en effet, placé l’attractivité des capitaux étrangers au cœur de sa stratégie économique. Il vise à faire des investisseurs étrangers de véritables partenaires privilégiés pour son développement. L’installation d’un cluster financier à Casablanca, capital économique du Maroc, est un formidable atout pour insuffler une nouvelle dynamique à son économie et accroître son potentiel de développement. Le but est de créer ainsi un effet de masse critique et de positionner Casablanca comme un grand pôle d’investissements financiers sur le continent africain1.

https://books.openedition.org/cjb/1145


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