la réforme de la justice : l’indépendance du ministère public
* Nissrine ELOMARI *
Etudiante chercheur en droit à la Faculté des Sciences Juridiques
Economiques et Sociales Agdal-Rabat
Introduction
Le système judiciaire de notre pays présente des points forts qu’on ne peut nier. Mais il continue à être entaché de dysfonctionnement et de faiblesse (lenteur, complexité, manque de transparence, etc.…).
Au cours de ces dernières années, le Maroc a entrepris plusieurs réformes dans le domaine de la justice notamment à travers l’instauration du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de la Présidence du ministère public, il s’agit d’un changement structurel et important a même de garantir l’indépendance des magistrats et de garantir un service de qualité aux citoyens qui demeure l’objectif ultime de ces réformes et renforcer par conséquent l’état de droit. Cette réforme est un défi de la justice nationale qui vise à réconcilier le citoyen avec sa propre justice et redorer le blason de l’institution judiciairemarocaine.
L’adoption par le Maroc d’une nouvelle Constitution le 1er juillet 2011 a marqué un tournant important dans la dynamique de réforme de ses institutions, et tout particulièrement de son système judiciaire. Un processus de dialogue national a alors été lancé et en septembre 2013, une Charte sur la réforme du système judiciaire marocain a été présentée, appelant à des réformes contribuant à une justice totalement indépendante, efficace, transparente, moderne et protectrice des droits et libertés. « Toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable », ce principe posé par l’article 120 de la Constitution de 2011 constitue le fil conducteur de la réforme en cours de la justice. Cette constitution a marqué un grand changement dans ce domaine. Elle a ainsi érigé l’autorité judiciaire en “pouvoir” et en “pouvoir indépendant” du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le garant de cette indépendance (art 107).
La Chambre des représentants a adopté le 24 juillet 2017, en séance plénière, le projet de loi n°33-17 relatif au transfert des attributions du ministère de la justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la réforme du système de la justice et à sa tête la mise en place d’une indépendance institutionnelle du pouvoir judiciaire et de l’indépendance du Parquet général vis-à-vis du pouvoir exécutif. C’est dans cette logique que s’inscrit le projet de loi sur l’organisation judiciaire. Celui-ci ambitionne d’assurer une plus grande efficience des tribunaux, de garantir les droits des justiciables et d’améliorer la gestion de l’administration judiciaire, à travers la consolidation de la confiance et de la crédibilité dans ce domaine.
Parallèlement à ces efforts réformateurs en cours, le Maroc a fait la démonstration d’une coopération croissante avec les mécanismes des Nations unies de protection des droits humains. Ce qui fait que le citoyen marocain exige une culture judiciaire adaptée à la nouvelle vision internationale de protection des droits de l’Homme, une justice moderne qui assure et garantie les droits fondamentaux, à savoir la dignitéhumaine.
Le Ministère public dénommé également “le parquet” ou “magistrats debout1” désigne l’ensemble des magistrats qui sont chargés de représenter et de défendre les intérêts de la collectivité nationale et non pas de juger. Cette institution trouve ses origines dans le Dahir du 12 août 1913 relatif à l’organisation judiciaire. Aucune juridiction répressive ne peut siéger valablement sans la présence d’un représentant du parquet. Le Ministère public est une institution nécessaire et indispensable à la bonne marche de la justice. Il est toujours partie principale au procès pénal. En ce sens qu’il éclaire le juge sur la réalité des faits incriminés et d’autre part en veillant à la stricte application de la loi dont il est enquelquesortelegardien.Sonutilitéetsonimportancerésidenteneffetdans
1 Ils présentent leur réquisition en étant debout, à l’opposer des magistrats du siège.
le fait qu’il défend la société et l’ordre public qu’il protège contre la transgression de la loi ainsi consiste à veiller au strict respect des lois et à l’exécution des jugements.
Comment la réforme de la justice contribue-t-elle à l’indépendance du Parquet ? Et Comment se caractérise l’instauration de la Présidence du ministère publique ?
Tout Ceci étant dit, il est important de commencer par définir le cadre institutionnel de l’instauration du Ministère public. Ensuite il est impératif d’évoquer les principales difficultés rencontrées et les efforts déployés pour mener à bien la mise en place de la Présidence du ministère public.
Partie I. La consolidation du principe de l’indépendance de la justice : l’indépendance du Ministère public du Ministère de la justice
L’indépendance de la justice se décline différemment pour deux catégories de magistrats. Ceux du siège, chargés donc de rendre la justice, sont astreints à la seule application du droit. Leurs décisions sont rendues sur le seul fondement de l’application de la loi. Ceux du parquet sont également tenus à cette même exigence mais “ils doivent se conformer aux instructions écrites, conformes à la loi, émanant de l’autorité hiérarchique” (art. 110, al.2)2. Avec la réforme actuelle, les magistrats du parquet ne sont plus soumis à l’autorité du Ministre de la Justice mais à celle du président du Ministère public. “Dans les affaires concernant les magistrats du parquet, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire prend en considération les rapports d’évaluation établis par l’autorité hiérarchique dont ils relèvent” (art. 116, al.5).
L’indépendance du Ministère public est un élément indispensable pour assurer la primauté du droit et le respect des libertés des individus. C’est une étape constitutionnelle qui sépare les pouvoirs politique et judiciaire. L’indépendance du parquet signifie également que cette institution ne doit pas être soumise à un parti, un groupe ou un courant idéologique tout en respectant les normes de la loi et de préserver les droits et libertés des personnes. C’est un outil entre les mains de la loi contre lescrimes.
2 Article 110 de la Constitution de 2011 alinéa 2 : Les magistrats du parquet son tenus à l’application de la loi et doivent se conformer aux instructions écrites, conformes à la loi, émane de l’autorité hiérarchique.
Les deux principaux éléments qui ont contribué à l’indépendance du Ministère public sont : Le Président du Ministère public et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
CHAPITRE I. Le statut juridique du Président du Ministère public
Afin de préserver l’indépendance du Ministère public vis-à-vis du pouvoir exécutif, Sa majesté le Roi Mohammed VI a nommé le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, Mohamed Abdennabaoui Président du Ministère public3 par le Dahir n°1.17.10.
En premier lieu, il convient d’annoncer la partie concernant les attributions du Parquet au Procureur général du Roi près la Cour de Cassation. Et en deuxième lieu, les garanties qui visent à renforcer cette indépendance.
Section 1 :Attribution de la Présidence du ministère public au Procureur général du Roi près la Cour de Cassation
Le Conseil de gouvernement a adopté le projet de loi n 33-17 relatif au transfert des attributions de l’Autorité gouvernementale chargée de la Justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation, en sa qualité de Président du Parquet général, ainsi qu’aux statuts de la Présidence de ce parquet. “Cette loi, présentée par le Ministre de la Justice, vise à transférer les attributions de l’autorité gouvernementale en charge de la justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation en sa qualité de Président du Parquet général et premier responsable judiciaire du fonctionnement de ce parquet, à travers la défense de l’intérêt général, la protection de l’ordre public et l’immunisation de l’Etat de droit, ainsi que cette loi porte également sur l’institution de règles régissant la Présidence du Parquet général“, a indiqué le Ministre délégué chargédesrelationsavecleparlementetlasociétécivileetporte-paroledu
3 Le Roi a nommé Mohamed Abdennabaoui Procureur général du Roi près la Cour de cassation en 3 avril 2017.
gouvernement, Mustapha El Khalfi, dans un communiqué lu lors d’un point de presse l’issue du conseil de gouvernement. Elle s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des grands chantiers de réforme du système judiciaire dans le but de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, conformément aux dispositions de la Constitution de 2011.
Le nouveau Président du Ministère public aura pour mission de gérer les magistrats, surveiller leur travail, veiller à la bonne conduite des recours judiciaires et assurer le suivi des affaires devant les tribunaux4.
La nomination de Sa majesté du Président du Ministère public a suscité un grand débat notamment sur le transfert des attributions du Ministre de la Justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation. Certains universitaires, politiciens et observateurs, surtout juristes, avaient des craintes relatives au contrôle du travail du Ministère public et exigent de mettre en place un cadre clair fixant les responsabilités, afin de consolider l’Etat de droit et de renforcer les institutions constitutionnelles et la gouvernance. Ils croient que l’indépendance du Ministère public par rapport au pouvoir exécutif entraîne la perte de contrôle et de responsabilité des organes élus. Soulignant que le Ministre de la Justice, dans le cadre de la responsabilité de la Présidence du ministère public est soumis à deux contrôles : Celui du chef de gouvernement et celui duparlement.
Sauf que la réalité montre le contraire dans la partie qui suit et qui définit les garanties visant à renforcer cette indépendance du Ministère public.
4 Dahir n°1.17.10 relatif à la nomination de Mohamed Abdennabaoui Procureur général du Roi près la Cour de cassation.
Section 2 : Les garanties visant à renforcer l’indépendance du Ministère Public
Nul ne conteste la nécessité d’instaurer des mécanismes pour contrôler et évaluer le travail du nouveau Président du Ministère public, cela ne signifie pas pour autant que l’autorité de contrôle soit transférée aux pouvoirs législatif et exécutif, car le pouvoir judiciaire est indépendant et présente l’avantage d’être soumis à un contrôle garantissant et incarnant sonindépendance.
Le contrôle réel et effectif de cette présidence est garantie par :
- Le contrôle de l’institution Royale : c’est la plus importante garantie, le fait que l’Institution Royale reste en vigueur et que la Constitution garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire. Sans aucun doute, le Procureur général du Roi près la Cour de cassation est responsable devant l’organe de nomination, qui est l’institutionRoyale.
- Le contrôle communautaire : se manifeste à travers le rôle de la société civile, des droits de l’Homme et des sociétés judiciaires professionnelles dans la surveillance, le suivi et l’établissement de rapports ainsi que les médias sous toutes leurs formes à travers la détection de divers crimes et des faits du phénomène criminel et le suivi des différentes affaires pénales portées devant lestribunaux.
- Autocensure : principalement illustrée par l’adoption d’instructions juridiques écrites pour déterminer les responsabilités et accroître la transparence des procédures devant l’opinionpublique.
Vu le rôle important du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire dans le renforcement de l’indépendance du Ministère public, tout un chapitre lui a été accordé.
CHAPITRE II. Le rôle du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire dans le renforcement de l’indépendance du Ministère Public
A la différence de la constitution de 1996, la nouvelle Constitution de 2011 a soutenu l’indépendance du Ministère public qui constitue un pilier très important du pouvoir judiciaire. Le Ministère public est rattaché à l’institution Royal. Son Président est nommé par le Roi. Et en sa qualité de Procureur général du Roi, le Président du Ministère public est membre au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
L’installation de ce Conseil représente le couronnement d’une série de mesures visant le renforcement de l’indépendance de la justice. Le 6 avril 2017 est une date à marquer dans la vie judiciaire marocaine. Ce jour marque le démarrage effectif du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Puis, s’est installé le nouveau Procureur général du Roi près la Cour de cassation, dans ses fonctions de Président du Parquet général, une instance qui centralise les attributions qui étaient, par le passé, entre les mains de l’autorité gouvernementale chargée de la Justice. Il s’agit en fait d’un ensemble de dispositifs qui vont dans le sens de l’ancrage du pouvoir judiciaire en tant qu’autorité indépendante des autres pouvoirs. En effet, le chantier de la réforme de la justice, entamé depuis plusieurs années par le Maroc, a enfin connu son couronnement au cours de l’année 2017 par la création de ce Conseil. Ayant le statut d’une institution constitutionnelle, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire veille à l’application des garanties relatives à l’indépendance, la nomination, la promotion, la retraite et la discipline des magistrats. Son installation marque donc une nouvelle phase dans le processus de réforme de la justicemarocaine.
Section 1 : Au niveau de la composition du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire
L’indépendance du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et sa nouvelle composition renforcent l’indépendance du Ministère public et constituent un bond en avant pour l’avancement du système judiciaire. Ainsi, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le Ministère public ne peuvent être séparés.
Selon l’article 86 de la constitution de 1996, le Conseil supérieur était composé d’un Président qui est le Roi, un Ministre de la Justice et des magistrats.
Dans l’article 115 de la nouvelle Constitution de 2011, le Conseil supérieur est toujours présidé par le Roi et composé de Premier président de la Cour de cassation en qualité de président-délégué, un Procureur général du Roi près la Cour de cassation, un Président de la première chambre de la Cour de cassation, 4 représentants élus, parmi eux, par les magistrats des cours d’appel et 6 par les magistrats des juridictions du premier degré. Une présentation des magistrates doit être assurer, parmi les dix membres élus, un médiateur ainsi d’un Président du Conseil national des droits de l’Homme et finalement de 5 personnalités nommées par le Roi, reconnus pour leur compétence, leur impartialité, leur probité et pour leur apport distingué en faveur de l’indépendance de la justice et de la primauté du droit.
Section 2 : Au niveau des compétences du conseil supérieur du pouvoir judiciaire
Dans cette partie, nous allons évoquer les compétences importantes du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire qui renforcent le statut des juges.
Nous savons que le pouvoir judiciaire du Royaume comprend un organe composé de magistrats du siège et ceux du parquet. Avec la réforme actuelle, les
magistrats du parquet ne sont plus soumis à l’autorité du Ministre de la Justice mais à celle du Président du Ministère public. La Constitution consacrée au pouvoir judiciaire comporte le statut de tous les magistrats qu’ils soient magistrats du siège ou magistrats du parquet, les articles 110 et 116 prévoient la subordination des magistrats du parquet à une autorité présidentielle hiérarchique. Le Conseil supérieur prend en considération les rapports d’évaluation établis par l’autorité hiérarchique lors de la gestion de leurs situations professionnelles.
Parmi les compétences importantes qui renforcent le statut du pouvoir judiciaire en tant que pouvoir indépendant, la nomination des magistrats par le Conseil en vertu de l’article 575 ainsi, selon l’article 113, « le Conseil supérieur veille à l’application des garanties accordées aux magistrats, notamment quant à leur indépendance, leur nomination, leur avancement, leur mise à la retraite et leur discipline ». Ces avancées ne figuraient pas dans la Constitution de 1996, qui a limité les compétences du Conseil supérieur eu vertu de l’article 87 dont ce dernier veille seulement à l’avancement et à la discipline des magistrats.
On note aussi la mise en place d’une inspection générale au Conseil, qui sera chargée de l’inspection judiciaire et d’une inspection au Ministère de la Justice.
Un rapport annuel doit être présenté par le Procureur général du Roi près la Cour de cassation au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, au sujet de l’exécution de la politique pénale et le fonctionnement du Ministère public.
Selon l’article 110 de la loi organique numéro 100.13 relatif au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire “Le conseil reçoit des rapports sur l’état de la justice et du système judiciaire, notamment les rapports émanant : du Procureur général du
5 Article 57 de la Constitution de 2011 : Le Roi approuve par le dahir la nomination des magistrats par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
Roi près la Cour de cassation en sa qualité de chef du Ministère public concernant la mise en œuvre de la politique pénale et le fonctionnement du Ministère public avant sa présentation et sa discussion devant les deux commissions chargées de la législation dans les deux chambres du parlement“.
Partie II. Mise en place de la Présidence du ministère public au Maroc : Difficultés, efforts déployés et focus sur les expériences des pays ayant opté pour l’indépendance du Parquet
L’institution du Ministère public est un outil efficace pour lutter contre le crime et l’injustice. Elle contribue à la transparence et à la protection du système judiciaire et des droits de l’Homme.
L’article 2 du projet de loi n°33-17 traite des domaines et des prérogatives pour lesquels le Procureur général du Roi près la Cours de cassation remplace le Ministre de la Justice.
Dans cette partie, nous allons commencer par présenter quelques difficultés rencontrées et effort déployés lors de l’instauration de la Présidence du ministère publique. Ensuite, nous allons terminer par présenter deux expériences de payes qui ont opté pour l’indépendance du Parquet.
Chapitre I. Mise en place de la Présidence du ministère public: difficultés rencontrées et efforts déployés
La Présidence du ministère public vient couronner la construction constitutionnelle d’un pouvoir judiciaire indépendant, qui s’ajoute au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif. Elle est chargée d’enquêter, d’accuser et de réclamer des condamnations contre les personnes poursuivies.
Même si la Constitution prévoit sa séparation, le Ministère public fait partie des autorités de l’Etat qui, reconnaît leur équilibre et leur coopération dans l’intérêt du pays et de sescitoyens.
Section 1 : Les difficultés rencontrées dans la mise en place de la Présidence du ministère public
La création de l’institution de la Présidence du ministère public a rencontré un certain nombre de difficultés relatives aux ressources humaines, ainsi qu’aux moyens logistiques et matériels. Ce fondement porte une grande ambition pour mettre en place une poursuite indépendante.
En effet, parmi ces difficultés on trouve le retard de la libération de la loi n°33-
17 définissant les modalités de transfert des attributions de l’Autorité gouvernementale chargée de la Justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation, le manque de ressources humaines adéquates, les travaux inachevés au siège ainsi que l’absence des moyens decommunication6.
Toutefois, La Présidence du ministère public a réussi, malgré un manque des ressources humaines dû à des raisons juridiques, organisationnelles et réelles, à jouer son rôle dans l’encadrement de la conduite des ministères publics et la supervision de la mise en œuvre de la politique pénale.
Cette nouvelle institution cherche à améliorer le niveau de ses services aux justiciables.
Section 2 : Les efforts déployés pour la mise en place de la Présidence du ministère public
Sa Majesté le Roi, a donné le 25 juin 2017 au Conseil des ministres, ses hautes instructions au gouvernement en vue d’accélérer la présentation devant le
6 Rapport de la Présidence du ministère public de l’année 2017 pages 14 et 15.
Parlement du projet de loi relatif aux attributions de la Présidence du ministère public et de ses statuts, en vue de son adoption lors de l’actuelle législature.
Avant de commencer ses fonctions, le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation a entrepris de nombreux efforts et initiatives pour établir la Présidence du ministère public. Il a contribué à la disposition du projet de loi n°33-17 relatif au transfert des attributions du Ministère de la Justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation en sa qualité de Président du Ministère public, il a œuvré aussi à la mise en place des différents moyens humains logistiques et matériels qui permettront à la présidence de bien mener ses différentes missions.7
Un secrétariat général, 11 sections et 36 unités… Telles sont les composantes du premier organigramme de la Présidence du ministère public qui compte aussi 4 pôles : action publique et exécution de la politique pénale, le pôle suivi des affaires pénales et protection des personnes vulnérables, pôle du ministère public spécialisé et de la coopération judiciaire et enfin celui des ressources humaines et affaires générales 8.
7 Rapport de la Présidence du ministère public de l’année 2017 page 11.
8 Rapport de la Présidence du ministère public pages 18-24.
Dès son installation, le 7 octobre 2017, le nouveau Président de l’institution du Ministère public, intervient au lendemain de la passation des pouvoirs9 et adresse sa première circulaire aux avocats généraux, procureurs généraux et procureurs du Roi ainsi qu’à l’ensemble des magistrats du Ministère public. Cette circulaire contient des instructions concernant l’amélioration des conditions d’accueil dans les juridictions du pays, l’instauration d’une bonne communication, agir contre les violations des droits et des libertés, rendre les jugements dans un délai raisonnable en application de l’article 120 de la Constitution, la protection des personnes handicapées, les femmes, les enfants et le personnel chargé de l’application de la loi etc.
La Présidence du ministère public présente, à Rabat, son rapport annuel au titre de l’année 2017 au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, organe présidé par le Roi. Le Président du parquet y dresse un bilan de la mise en œuvre de la politique pénale et du fonctionnement du Ministère public10. L’évaluation de la première année de la Présidence du ministère public est considérée comme positive proposant une série de mesures pour améliorer l’action judiciaire notamment à travers des modifications à apporter au Code pénal et au Code de procédure pénale ainsi qu’au renforcement de l’effectif composant le Parquet.
Le rapport a également consacré une partie importante au volet logistique. Dans ce sens, il a été appelé à développer l’infrastructure informatique au sein des institutions judiciaires.
Cette Présidence cherche à améliorer le niveau de ses services aux justiciables, en adoptant un système les informant du suivi de leurs plaintes par des messages téléphoniques, a dit Mohamed Abdennabaoui, précisant que ces services sonten
9 « Tenue au siège de la Présidence, le 6 octobre 2017 à Rabat, la cérémonie s s’est déroulée en présence du Premier président de la Cour de cassation, Mustapha Fares et du Conseiller du Roi Omar Azziman, ainsi que d’un parterre de personnalités issues du gouvernement ou du monde de la Justice » Media24.
10 Article 110 de la loi organique numéro 100.13 relatif au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
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cours de développement afin de faciliter l’accès des citoyens et de réduire les délais de réponse aux plaintes. Il a également appelé à confier sa supervision au pouvoir judiciaire et à permettre à la Présidence du ministère public d’exécuter les programmes de formation et d’encadrement nécessaires pour ses membres. Il a en outre souligné que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne serait pas complète sans l’autonomie financière et matérielle des juridictions et l’adoption de leur pouvoir sur l’ensemble de leurs ressources humaines, estimant que l’article 107 de la Constitution nécessite la gestion par le pouvoir judiciaire des ressources humaines et financières nécessaires à l’exercice de ses fonctions sans l’intervention d’autres pouvoirs, pour qu’il puisse mener à bien ses programmes et appliquer ses obligationsconstitutionnelles.
Le Procureur général du Roi a, dans ce sens, noté que l’annonce de l’ouverture de l’année judiciaire 2019 constitue une occasion pour l’ouverture du pouvoir judiciaire sur son environnement, informer les citoyens des principales orientations de la jurisprudence et publier certaines statistiques sur le déroulement des procès dans les tribunaux, en particulier la Cour de cassation. Et de noter que la Présidence du ministère public a pu jeter des ponts avec les citoyens pour gagner leur confiance, faisant observer, à cet égard, que le Ministère public a reçu plus de 10.000 plaintes au cours de l’année, et que plus de 80% d’entre elles ont été déposées par les plaignants eux-mêmes au service des plaintes à la Présidence du ministèrepublic.
La Présidence du ministère public a été élue membre du bureau exécutif de l’Association des procureurs de l’Afrique lors du 13e congrès de cette dernière. Cette participation intervient dans le cadre du renforcement de la présence marocaine sur la scène africaine. Le Royaume occupe ainsi la vice-présidence du bureau exécutif et représente les pays de l’Afrique du Nord au sein de cette association.
Et en 2 mai 2019, le comité des ministres, plus haut organe décisionnel du conseil de l’Europe a accepté la demande du Maroc d’obtenir le statut d’observateur auprès du Conseil consultatif de Procureurs européens, conformément aux règles applicables. La Présidence du ministère public a participé à plusieurs réunions de ce Conseil dans le cadre de différents programmes de coopération. Cette décision intervient en reconnaissance des efforts qu’elle a consentis afin de bénéficier à travers l’obtention d’un statut juridique au sein du Conseil consultatif de Procureurs européens, des expertises, mécanismes et avis consultatifs de ce dernier. La décision du comité des ministres vient fournir une base à une plus grande et active implication des représentants de la Présidence du ministère public marocain aux travaux de ce conseil, notamment ceux visant à mettre en place une gestion efficace des parquets et une protection accrue des droits et des libertés individuels.
Chapitre II. Experiences des pays ayant opté pour l’indépendance du Parquet
L’objectif de ce chapitre est d’avoir un aperçu général sur des expériences d’autres pays ayant initié l’indépendance du pouvoir judiciaire. Nous avons choisi deux pays de régions différentes : Le Qatar ; un pays arabe émergent entreprenant des projets de développement dans plusieurs secteurs et sur plusieurs plans. L’Espagne ; un pays européen qui consolide et renforce sa démocratie continuellement.
Section 1 : Le Ministère public dans le système judiciaire de Qatar
Le Qatar est un exemple idéal, il a adopté le système indépendant du Ministère public, qui, conformément aux dispositions de l’article 136 de la Constitution de 2004, engage la procédure judiciaire au nom de la communauté, supervise le contrôle judicaire et veille au respect du droit pénal. La loi réglemente cet
organe et définit ses compétences, les conditions et les garanties de ceux qui assument leurs fonctions.
Le Qatar dispose d’un système qui consacre le principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. A l’article 59, la constitution dispose que « le peuple est la source de tout pouvoir ».
Les juridictions forment désormais un ensemble placé sous l’autorité du Conseil supérieur de la magistrature, présidé par le Président de la Cour de Cassation et destiné à rendre l’appareil judiciaire plus indépendant.
Ce conseil a pour fonction d’émettre des propositions sur la nomination des juges et proposer les réformes législatives nécessaires au bon fonctionnement du système judiciaire. Le Ministère de la Justice exerce en outre des fonctions administratives comme par exemple, donner un avis juridique sur un engagement international et représenter les intérêts de l’Etat devant les juridictions.
La loi n°40 d’août 2003 a posé le principe de la séparation des instances d’investigations et de poursuite. Cette loi affirme le principe d’un Ministère public indépendant doté d’un budget propre. Au terme de l’article 11 de cette loi, le Procureur général nommé par l’Emir a rang de ministre, tous les autres membres du Ministère public sont nommés par décret de l’Emir, sur proposition du Procureur général. Le Ministère public en qualité d’organe judiciaire indépendant représente devant les juridictions les intérêts de la société. Il supervise les procédures judiciaires et assure l’application des lois. A l’exception des cas prévus par la loi, il exerce l’opportunité despoursuites11.
Section 2 : Le Ministère public dans le système judiciaire de l’Espagne
Le Ministère public de l’Espagne est totalement indépendant du pouvoir exécutif et les modifications apportées par le système judiciaire espagnolont abouti à
11 http://legiglobe.rf2d.org/qatar/2014/07/18/
l’indépendance du Ministère public conformément à la loi réglementaire n°24/2007 du 9 octobre 2007.
La Constitution espagnole consacre cette indépendance en 1978, de sorte que le Ministère public est soumis à l’autorité du Procureur général de l’État.
Les relations entre le Ministère public et le Ministre de la justice restent limités. Même si ce dernier est présent en ce qui concerne la nomination du Président du Ministère public et de ses membres et peut demander au parquet d’agir devant une juridiction, mais il n’a pas le droit de lui donner des instructions directes.
La nomination du Procureur général de l’Etat reste du ressort du Roi, pour une durée de 4 ans renouvelable, sur proposition du Gouvernement et après consultation du Conseil général du pouvoir judiciaire. Il exerce la fonction de direction et de surveillance et fourni des instructions nécessaires au Ministère public sur l’ensemble du territoire. Outre les tâches d’inspection associées à son travail.
Les autres membres du parquet sont nommés par voie réglementaire sur proposition du Conseil du parquet, organe consultatif pour les nominations et instance disciplinaire.
Le Parquet espagnole est soumis à un système unique dans lequel il exerce ses compétences devant toutes les juridictions et connait une diversité au niveau des spécialisations12.
Notons que malgré les réformes très avancées de leurs systèmes judiciaires, ni le Qatar ni l’Espagne n’ont opté pour l’instauration d’une Présidence du ministère publicindépendante.
12 http://www.syndicat-magistrature.org/Detour-comparatiste-analyse- de.html?fbclid=IwAR0Tl760iWHbgN4yoWq2fpxjLeCeadOfAsbLA7M-aFYbp6QH5mJ0vghZvaA
Conclusion
Nous ne disposons pas d’assez de recul pour évaluer l’expérience d’indépendance de la Présidence du ministère public auMaroc.
Cette indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif n’a été que nouvellement instaurée, et depuis la Présidence du ministère public a affirmé sa place sur le plan national et fait rayonner l’expérience marocaine en la matière à l’échelle internationale.
En effet le Maroc se positionne en précurseur mondial dans l’instauration de la Présidence du ministère public. Cependant, l’indépendance du pouvoir judiciaire ne serait complète sans l’autonomie financière et sans l’octroi des ressources humaines nécessaires à l’exercice de ses différentes tâches et fonctions et ce sans l’intervention du Ministère de laJustice.
Plusieurs indicateurs prouvent la réussite de la première phase de cette expérience à savoir :
- La politique de communication et d’ouverture poursuivit par la Présidence du ministèrepublic,
- La poursuite de la mise en œuvre de la politique pénale selon les mêmes directives que celles qui prévalaientavant,
- Le nombre important des circulairespubliées,
- La réalisation du rapport annuel de l’année2017,
- L’implication de la Présidence du ministère public dans divers organismes internationaux.
Enfin cette recherche a permis de démontrer l’importance de la séparation du pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif et législatif et son impact sur l’indépendance du Ministère public. Notons Aussi que dans le détour comparatiste, il ressort assez clairement que, les différents pays présentés au niveau de notre benchmark ne disposent pas d’une Présidence du ministère public et ce malgré la séparation des pouvoirs.
Bibliographie
Sources légales :
Dahir n°1.17.10
Discours du Procureur général du Roi, Président du parquet à l’occasion de la cérémonie des passations des pouvoirs.
Charte de la réforme du système judiciaire de juillet 2013 Constitution de 1996 et de 2011 du Maroc
Constitution de 2004 duQatar
Projet de loi n°33.17 relatif au transfert des attributions de l’Autorité gouvernementale chargée de la Justice au Procureur général du Roi près la Cour de cassation, en sa qualité de Président du Parquet général, ainsi qu’aux statuts de la Présidence de ce parquet
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Sources électroniques :
http://legiglobe.rf2d.org/qatar/2014/07/18/
https://lematin.ma/journal/2018/presidence-ministere-public-prend-part-13e-congres-lassociation-procureurs-afrique/303907.html
https://lnt.ma/mohamed-abdennabaoui-ouvre-lannee-judiciaire-2019/
https://www.medias24.com/MAROC/DROIT/177057-L-independance-du-Parquet-selon-Mohamed-Abdennabaoui.html
http://presidenceministerepublic.ma/
Rapport du projet de fin d’étude pour l’obtention du diplôme de licence en droit
La réforme de la justice : l’indépendance du Ministère public
le Maroc de la Constitution de 2011 a marqué un tournant important dans le dynamique de réforme de ses institutions et tout particulièrement de son système judiciaire notamment à travers l’instauration du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de la Présidence du ministère public.
L’indépendance du Ministère public est un élément indispensable pour assurer la primauté du droit et le respect des libertés des individus. La Présidence du ministère public vient couronner la construction constitutionnelle d’un pouvoir judiciaire indépendant et contribue à la transparence et à la protection du système judiciaire et des droits del’Homme.