A Oum Azza, un modèle réussi de valorisation des déchets ménagers
DANS LES ENVIRONS DE RABAT, GEOCYCLE VALORISE CHAQUE ANNÉE 90 000 TONNES DE DÉCHETS MÉNAGERS POUR LES TRANSFORMER EN RDF. CE COMBUSTIBLE ALTERNATIF EST UTILISÉ PAR SA SOCIÉTÉ MÈRE LAFARGEHOLCIM MAROC.
Dans un grand hangar, les déchets broyés de 13 communes de Rabat et ses environs sont stockés pour être séchés. L’odeur nauséabonde y est tellement forte qu’il faut obligatoirement se munir d’un masque. Au terme d’un processus – éprouvé – combinant broyage et de bio-séchage, les déchets ménagers des Rbatis se transforment en RDF (Refuse derived fuel, en anglais), un combustible alternatif utilisé par le géant cimentier franco-helvétique LafargeHolcim (LHM). Bienvenue à la plate-forme de recyclage des déchets d’Oum Azza.
Nous sommes jeudi 27 juin à 18 kilomètres à l’est de la capitale du Royaume. «Au bout de quinze jours de bio-séchage, le taux d’humidité élevé des déchets broyés redescend à des niveaux plus bas. Tel est le cœur de notre procédé de transformation de déchets ménagers en RDF», explique Hind Baddag, la directrice générale de la société Geocycle Maroc du groupe LafargeHolcim, qui nous fait la visite guidée de l’usine.
En charge de quatre plate-formes de valorisation des déchets au Maroc (voir encadré), cette ingénieure de formation est une experte dans le domaine des déchets. «Nous valorisons chaque année 90 000 tonnes de déchets en les transformant en 50000 tonnes de RDF», poursuit-elle. Opérationnelle depuis octobre 2017, la plate-forme de recyclage d’Oum Azza a coûté la coquette somme de 61 MDH.
Une cinquantaine d’employés travaillent tous les jours pour que l’usine soit en marche. A commencer par les employés du centre de tri de la décharge d’Oum Azza qui ont pour mission de trier les déchets ménagers collectés par les délégations du groupement intercommunal de la capitale. Regroupés dans une coopérative, ces employés étaient à la base des chiffonniers avant le démarrage du projet. «Notre projet a un impact à la fois environnemental, social et économique», lance de tout go Malika Youssoufine, la directrice RH, RSE et communication chez LHM Maroc.
Faux scandale
Une fois triés, les déchets sont ensuite transportés vers la plate-forme où les employés de Geocycle se chargent de les transformer en RDF sous forme de granulats. Alors que les 90 000 tonnes valorisées par Geocycle étaient enfouis sous terre par le passé, ce volume conséquent échappe à ce procédé caduc de traitement de déchets. Résultat des courses : les nappes phréatiques sont ainsi préservées du lixiviat. Mieux encore, le projet de Geocycle a eu pour effet d’allonger la durée de vie de la décharge d’Oum Azza de deux ans. Une économie indéniable pour les communes de la capitale.
A la fin du cercle vertueux de valorisation des déchets, le RDF est utilisé à la place du petcoke, un combustible fossile importé, dans les fours de LafargeHolcim. «Auparavant, le RDF était importé en devise de l’étranger. Aujourd’hui, nous le produisons au Maroc», soutient Malika Youssoufine. Selon elle, même si la production du RDF coûte un peu plus cher que l’importation du petcoke, la multinationale franco-suisse est persuadée que sa formule sera payante à long terme. Une hypothèse solide, lorsque l’on sait que la législation environnementale évolue dans le sens du développement durable. Dans ce sillage, les producteurs de déchets devront inclure la composante gestion des déchets dans leurs coûts, suivant le principe du pollueur-payeur.
Fait important à rappeler, le RDF n’est autre que le déchet qui avait fait l’objet d’une grosse polémique en 2016, après l’importation de 2500 tonnes d’Italie. Croyant qu’il s’agissait de déchets nocifs, beaucoup de Marocains avaient exigé le départ de la ministre harakie de l’environnement Hakima El Haite. Un faux scandale qui restera dans les annales.
Un modèle éprouvé pour le Maroc
Geocycle Maroc gère trois autres plate-formes de valorisation des déchets au Maroc. A Bouskoura, une usine de traitement des déchets industriels banals (DIB), d’une capacité de 75 000 tonnes, a été construite en août 2015. Toujours dans la région de Casablanca-Settat, une usine de traitement de déchets industriels dangereux (DID) d’une capacité de 40 000 tonnes est active depuis août 2007. Au nord du pays, une autre usine de traitement des DIB valorise à Tanger pas moins de 20 000 tonnes. Le point en commun entre ces plate-formes est qu’elles sont toutes à proximité des cimenteries de la société mère afin de les approvisionner dans des délais convenables. «Etant les pionniers de la valorisation des déchets au Maroc, notre volonté est de donner l’exemple et de montrer que notre modèle peut être dupliqué», déclare, non sans fierté, Hind Baddag. En gros, l’ambition de Geocycle est de faire des déchets un business vert, combinant profit et protection de l’environnement. Une ambition en phase avec la politique publique prônée par le Maroc dans l’environnement. En effet, le gouvernement veut passer à la valorisation après avoir mis le paquet pour la professionnalisation de la collecte des déchets via le programme national des déchets ménagers (PNDM). Lequel programme a permis à de nombreuses communes de tourner la page des décharges sauvages et de passer à la gestion déléguée aussi bien pour la collecte que pour le traitement en décharge pour une enveloppe de 40 milliards de DH (voir encadré). A ce jour, le taux de valorisation des déchets ne dépasse pas 10%. C’est dire que les entreprises ont beaucoup à gagner en investissant sur le créneau de la valorisation des déchets. En mars dernier, Nezha El Ouafi, Secrétaire d’Etat au développement durable, avait dévoilé sa stratégie dans ce secteur à l’horizon 2030. Il s’agit de la Stratégie nationale de réduction et de valorisation des déchets (SNRVD).
Si son budget n’a pas encore été communiqué, il est sûr qu’il sera à la hauteur des objectifs fixés (voir encadré). Une aubaine pour Geocycle et ses concurrents.
• 200 000 tonnes de déchets traités.
• 6 installations de co-processing.
• 150 clients industriels.
• 70 employés.
• 5 plate-formes de pré-traitement .
• 25 000 emplois créés.
• 2% de PIB.
• 30 usines de valorisation.
• Réduction de l’informel de 50%.
• Porter le taux de valorisation des déchets ménagers à 20% et celui des déchets industriels à 25%.
• Valorisation énergétique des déchets à hauteur 10%.
• 10 partenariats publics privés (PPP).
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