développement constitutionnel
Faire le point sur la situation actuelle du droit constitutionnel invite à réfléchir sur les cinquante dernières années. La réforme des études juridiques par le décret du 27 mars 1954 fait passer la durée des études en vue de la licence en droit de 3 à 4 ans, impose les travaux pratiques obligatoires et double la durée de l’enseignement du droit constitutionnel en 1re année. Désormais notre discipline est pleinement reconnue comme l’une des bases de la culture juridique, mais son enseignement a connu quelques conflits. Il me semble qu’ils sont aujourd’hui apaisés.
2Les querelles de jadis entre les constitutionnalistes et les politologues se sont conclues par une séparation à l’amiable. Les intitulés des enseignements ont changé ; les cours dits de « droit constitutionnel et institutions politiques » (ou l’inverse) ont disparu ; il n’y a plus que des cours de droit constitutionnel. Les carrières des enseignants sont entièrement distinctes. On peut, et c’est mon cas, regretter cette séparation et déplorer l’inculture juridique de certains politologues et le rejet de toute approche sociologique par quelques juristes, mais il est probable qu’on ne reviendra pas en arrière. La grande tradition intellectuelle européenne qui associait la philosophie, l’histoire, la sociologie et le droit dans l’étude du politique est submergée par la spécialisation.
3Les débats plus récents sur l’objet et la méthode du droit constitutionnel sont également apaisés. Le droit constitutionnel n’est plus seulement l’encadrement juridique du pouvoir, même si le droit des institutions politiques reste l’objet premier de notre discipline. Le droit constitutionnel démotique n’est plus considéré comme relevant seulement de la théorie de l’État et du droit international. Les constitutions récentes et les tentatives de constitutionnaliser l’Union européenne ont en effet mis au premier plan la question de la définition juridique du corps politique. Même de vieux États se posent la question.
4Enfin plus personne ne conteste que ce que l’on appelait la constitution sociale est un chapitre essentiel et en plein développement jurisprudentiel du droit constitutionnel, en particulier en France. Il en résulte une novation de la question du pouvoir judiciaire ou juridictionnel de plus en plus internationalisé dans le domaine des droits et libertés, au moins en Europe.
5Pour autant, le constitutionnaliste contemporain est confronté à des difficultés qui sont autant de défis à la capacité du droit constitutionnel de répondre aux interrogations et remises en cause du monde actuel. J’en vois trois.
61 – Il s’agit d’abord des institutions politiques. On constate un double phénomène qui ouvre de nouveaux chantiers pour le droit constitutionnel.
7D’une part, de nombreux pays et organisations publiques, privées, nationales et internationales font appel au droit constitutionnel classique pour organiser et encadrer un pouvoir politique à construire, reconstruire ou à faire renaître. Les mouvements révolutionnaires dans les pays arabes en sont un exemple récent ; on a connu le même phénomène il y a quelques années en Amérique latine et en Afrique. Dans la plupart des cas, il s’agit de copier l’un ou l’autre des régimes politiques inventés par les États occidentaux. Il s’agit aussi parfois, comme en République sud-africaine, d’importer un régime occidental que l’on aménagera pour tenir compte de la réalité sociologique du pays. Force est toutefois de constater que l’universalisation du droit constitutionnel classique, celui des régimes démocratiques libéraux, évidente depuis la chute du mur de Berlin, ne permet pas toujours l’instauration d’un régime politique stable et implanté dans la population. Dans certains pays les structures politiques traditionnelles demeurent vivantes et actives sous le voile des organes politiques officiels, particulièrement en Afrique noire. Dans d’autres, les institutions politiques constitutionnelles sont des déguisements destinés à satisfaire les fournisseurs d’aide financière extérieure qui la conditionnent au respect de l’État de droit. Le constitutionnalisme devra répondre à ces défis. D’ailleurs, la critique des institutions démocratiques classiques est redevenue à la mode dans les pays qui les ont créées.
8C’est l’autre aspect de ce défi. Il est particulièrement visible en France. La longévité du régime actuel semble à beaucoup insupportable et les projets de VIe République fleurissent de temps à autre sur le thème « des institutions dépassées qu’il faut moderniser ». On a vu des tentatives d’enrichir la typologie classique des régimes politiques pour constitutionnaliser, par exemple, un régime « primo-ministériel » dépassant le parlementarisme et le présidentialisme. Rien de tel ne se constate aux États-Unis dont les institutions constitutionnelles sont pourtant fort archaïques.
9Mais depuis quelques décennies la contestation des institutions constitutionnelles classiques va plus loin que l’habituelle remise en cause du régime existant. Il s’agit de la contestation du cœur de la construction juridique de la démocratie. Résumons cette construction : la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple ; le peuple souverain est le corps électoral ; celui-ci gouverne par le moyen de représentants issus des processus électoraux ; il peut aussi décider directement lui-même par la procédure du référendum. La remise en cause de cette construction juridique se manifeste par le succès du concept de société civile, opposé à ceux de classe politique, de peuple souverain et de représentation.
10La difficulté, voire l’impossibilité, de traduire en termes juridiques ce concept de société civile est palliée par le succès des qualifications nouvelles accolée à la démocratie pour critiquer sa forme représentative au profit d’une démocratie directe renouvelée : démocratie sociale, démocratie de proximité, démocratie permanente ou continue, démocratie délibérative, démocratie participative… Il s’agit d’ouvrir des voies organisant la participation des citoyens dans la décision publique. Le Conseil d’État dans son rapport public 2011 propose de passer de « l’administration consultative » à « l’administration délibérative » en établissant des procédures « qui garantissent la contribution ouverte des citoyens à l’élaboration des politiques publiques ». Certes le Conseil distingue bien ce qui relève de la délibération de ce qui relève de la décision et s’en tient à l’activité administrative de l’État et des collectivités publiques. Il est clair cependant que ces propositions ne peuvent s’arrêter aux portes du Parlement.
11Certains auteurs ont ainsi proposé de distinguer la démocratie d’élection, qui désigne un titulaire du pouvoir, de la démocratie d’action, qui est fondée sur le débat et le contrôle. D’autres proposent que le Parlement, dans sa fonction législative, soit simplement chargé de donner forme légale aux résultats de négociations entre « acteurs ou partenaires sociaux », et que le Gouvernement, dans sa fonction exécutrice, soit responsable de la mise en application de ces accords. Il ne s’agit donc plus seulement du principe fondamental de l’article 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ; il ne s’agit pas non plus de la technique des conventions collectives dans les relations de travail salarié ni des procédures prévues dans la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social. Dans ces situations, les intérêts en cause sont privés et sont soumis à la primauté de la loi, expression de l’intérêt général. Ici, ce qui est proposé c’est que la négociation devient la source de la norme concrétisant cet intérêt général et non pas seulement une étape préalable à l’établissement de celle-ci par les autorités représentatives de l’ensemble du peuple.
12Faute de respecter ces impératifs, le Pouvoir, sans qualification mais avec une majuscule, selon l’expression fréquente aujourd’hui, c’est-à-dire le pouvoir gouvernemental issu des élections, serait disqualifié pour exiger et obtenir l’obéissance des citoyens. On constate alors une exaltation des mouvements de désobéissance soutenus par des associations diverses, des minorités multiples, des personnalités célèbres, tous censés exprimer l’intérêt général contre le pouvoir issu du processus démocratique constitutionnel. Il semble parfois qu’on soit revenu deux siècles en arrière lorsque le droit constitutionnel se formait par la contestation du pouvoir monarchique, ou que l’on retrouve la dramatique situation de la période 1940-1944. Bref, la démocratie comme pouvoir du peuple semble s’effacer au profit de la démocratie comme devoir de vigilance soupçonneuse à l’égard du pouvoir en place et comme droit de contester la légitimité des décisions prises par lui et donc de refuser de lui obéir.
13Certes il y a dans ces tendances contemporaines de l’opinion publique beaucoup « d’écume des jours ». Il faut bien constater toutefois que le législateur et même le constituant ont tenté de répondre juridiquement à ces revendications de « démocratisation » du travail gouvernemental. Aujourd’hui, le constitutionnaliste est à nouveau amené à se poser la question de la légitimité et de la légalité dans le fonctionnement des institutions politiques démocratiques.
142 – Ces interrogations sur le cœur du constitutionnalisme classique entraînent une remise en cause de la notion même de corps politique et conséquemment la nécessité de « constitutionnaliser » le peuple, groupe social vivant sur un territoire délimité. Cette nécessité est évidemment d’une dramatique actualité dans certains États nouveaux en Afrique dont la population est diversifiée ethniquement et culturellement et dont le territoire a été délimité par les anciennes puissances coloniales. Elle s’est rencontrée au XIXe siècle en Amérique à partir du principe de la succession aux frontières coloniales ; elle réapparaît aujourd’hui dans certains États d’Amérique latine, au Canada et en Océanie, dans la composition du corps social et l’opposition entre la population d’origine indigène et autochtone et les descendants des colonisateurs. Elle est de nouveau à l’ordre du jour dans des États plus anciens d’Europe et d’Asie et même en France avec la Nouvelle-Calédonie.
15Dans tous ces pays est en cause la notion de peuple-corps électoral. L’établissement de la liste électorale nationale n’est plus seulement la première étape du processus démocratique, il est l’enjeu d’un conflit conduisant parfois à la guerre civile ou à une impasse, comme au Sahara occidental ; de toute façon la carte d’électeur n’efface pas les appartenances ethniques et/ou religieuses qui commandent le résultat des élections.
16Le droit constitutionnel classique traitait cette question par prétérition en la supposant résolue. La Constitution des États-Unis est censée être faite par « Nous, le peuple des États-Unis », mais nul ne sait qui est le peuple ; en revanche on sait à cette époque, mais sans le dire, qui n’est pas le peuple : les Indiens peaux rouges et les esclaves noirs. La Révolution française distingue dès l’été de 1789 les droits de l’homme, qui sont universels, des droits du citoyen, qui sont propres à ceux qui forment la nation comme le corps politique suprême ; seuls les nationaux-citoyens forment le peuple et expriment la volonté générale. La Constitution de 1791 contient donc logiquement un code de la nationalité et un statut de la citoyenneté. La citoyenneté est distincte de la nationalité dont elle est un sous-ensemble. Il n’y a plus rien entre l’individu et l’État et la nation est une réalité purement politique et non point sociologique. Pourtant, sous ce schéma abstrait, on retrouve aisément la réalité sociale et culturelle de la France de l’époque et son assise territoriale.
17La question nationale et la question démocratique sont étroitement liées et dominent la vie politique des peuples et les relations internationales en Europe au long du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Les différentes conceptions de la nation et les procédures imaginées pour concrétiser le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes passionnent les acteurs politiques et les spécialistes des sciences sociales et alimentent des conflits meurtriers ; le traité de Versailles prétend reconstruire l’Europe et même le monde entier sur le principe des nationalités, mais ne définit pas la nation qu’il considère comme un donné, un fait. Le droit international se préoccupe des procédures d’autodétermination ; le droit constitutionnel et les constitutionnalistes sont muets sur ce point.
18Pourtant les Constitutions de nombreux États, après la Révolution bolchevique et la Deuxième Guerre mondiale puis la décolonisation, ont défini la nation et le peuple selon des critères prétendument objectifs et souvent idéologiques. Les États plus anciens ont eux-mêmes été amenés à inscrire dans leurs Constitutions des dispositions normatives, et pas simplement factuelles ou idéologiques, définissant la nation et le peuple, les symboles nationaux, la protection des minorités nationales ou des peuples autochtones, la structuration des diversités territoriales et ethniques et organisant la protection des symboles nationaux. On a vu apparaître des distinctions nouvelles, par exemple entre la nation, communauté de superposition, et les « nationalités » qui la composent. Le fédéralisme constitutionnel et le régionalisme connaissent un développement considérable. Les débats sur l’identité nationale renaissent même en France ou en Grande-Bretagne, tandis que l’Union européenne essaie de se définir comme un peuple unifié et des nations diversifiées.
19S’est ainsi formé un droit constitutionnel démotique dont l’importance ne saurait être sous-estimée suscitant un certain malaise. En effet le droit constitutionnel classique en ce qu’il est un encadrement juridique du pouvoir politique est un droit des institutions de pouvoir, c’est-à-dire un droit processuel établissant des organes, fixant leurs compétences, les procédures de décision et les contrôles qui s’exercent sur eux. C’est un droit des formes et non du fond. Le principe même de la démocratie libérale est que les mécanismes juridiques de pouvoir constitutionnel ne déterminent pas les décisions à prendre, c’est-à-dire n’entraînent aucune politique (au sens anglais de policy) particulière. Mais si le droit constitutionnel fixe les caractéristiques du corps politique, il devient un droit substantiel et érige des données historiques, sociologiques, idéologiques en standards juridiques controversés et toujours discutables. Beaucoup d’acteurs et de commentateurs pensent même que ces règles sont attentatoires à la liberté et aboutissent à figer des réalités évolutives et à exclure ceux qui sont différents.
20On a vu ainsi la Cour suprême américaine juger, en 1989, que le fait de brûler en public le drapeau américain pour protester contre la politique du Président n’était pas un délit mais « un mode d’expression d’une opinion » protégé par 1er amendement de la Constitution.
213 – La même difficulté se rencontre avec la constitutionnalisation des droits et des libertés et, corrélativement, le développement de la justice constitutionnelle nationale et des juridictions internationales des droits de l’homme. Il s’agit là, incontestablement, de la plus grande innovation du droit constitutionnel, à la fois concrètement pour les citoyens et théoriquement pour les juristes. Elle est ancienne aux États-Unis pour ce qui relève du juge constitutionnel fédéral, mais ce pays n’admet pas la compétence d’une juridiction internationale dont les décisions l’emporteraient sur la Constitution, les lois et les arrêts des juridictions fédérales ; en France elle est récente dans l’ordre interne (1971) comme dans l’ordre international (1981).
22Le droit constitutionnel français ne traitait que par allusion de la « constitution sociale ». Le régime juridique des droits et libertés n’était pas constitutionnel mais législatif ou réglementaire. Il relevait des branches pertinentes de l’arbre du droit : droit pénal, droit civil, droit social, droit commercial… lorsqu’il s’agissait de juger des actes et activités en appliquant une législation ; droit administratif lorsqu’il s’agissait de juger l’action de l’Administration de l’État et des autres personnes publiques. La qualification de fondamentaux attribuée à des libertés et à des droits proclamés par les textes constitutionnels n’avait aucune base juridique puisque les juridictions françaises, subalternes et suprêmes, refusaient tout contrôle de constitutionnalité sur les lois et règlements.
23Le contrôle de constitutionnalité des lois avant leur promulgation a été une création inattendue du Conseil constitutionnel de la Constitution de 1958. Un développement impressionnant lui a été donné par l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité par la révision constitutionnelle de 2008. Le succès de cette procédure et la multiplicité des recours ont fait sortir le droit constitutionnel du cercle étroit des constitutionnalistes. On constate déjà que ces recours auront principalement pour objet l’interprétation d’une disposition du bloc de constitutionnalité concernant les libertés et les droits des individus et des groupes. La montée en puissance du Conseil constitutionnel se poursuivra donc.
24Les problèmes posés par ce changement considérable dans la tradition juridique française se multiplieront corrélativement. Ils sont de plusieurs sortes.
25Il est d’abord nécessaire de souligner l’extrême complexité du régime juridique des droits l’homme pour les États qui relèvent désormais de trois sortes de contrôle juridictionnel dont il est difficile de savoir lequel l’emporte : le contrôle constitutionnel national, le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme pour les États parties à la Convention de sauvegarde et ayant accepté le recours individuel, le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne pour les décisions nationales mettant en œuvre le droit communautaire au regard de la Charte des droits fondamentaux. Les rapports entre ces trois ordres juridiques feront les délices des commentateurs et le désespoir des praticiens. Ils posent en termes nouveaux la question de la hiérarchie des normes juridiques et des éventuels conflits d’interprétation entre les différentes juridictions susceptibles d’être saisies. Ils peuvent aussi mettre en cause la sécurité juridique des justiciables en créant une incertitude sur la validité des législations existantes.
26En second lieu, il est certain que la concrétisation d’un droit ou d’une liberté par la jurisprudence pose de difficiles problèmes d’interprétation de la formulation constitutionnelle de ces droits et libertés ; celle-ci est toujours laconique et le sens des mots employés change fréquemment selon les innovations techniques et les évolutions de l’opinion publique. Que l’on songe, par exemple, aux mots « liberté d’expression ». On retrouve les querelles bien connues des juges suprêmes américains opposant les tenants de la théorie des intentions premières aux partisans d’une interprétation évolutive adaptée aux changements sociaux. Le droit constitutionnel positif peut ainsi connaître des retournements spectaculaires et aboutir à ériger en vérité juridique un état temporaire de l’opinion publique. On sait que la Cour suprême américaine a d’abord jugé conforme à la Constitution la ségrégation raciale sur la base du principe « séparés mais égaux », puis, un demi-siècle plus tard, condamné cette législation comme contraire à une Constitution demeurée strictement identique.
27Enfin, de façon plus pragmatique, et compte tenu de la multiplication des recours possibles, on peut se demander si le juge constitutionnel ne va pas devenir en fait le juge suprême de toutes les juridictions du pays, comme aux États-Unis, et non plus seulement le juge spécialisé en droit constitutionnel. Or son rôle premier était et demeure le contrôle du respect de la Constitution dans le fonctionnement des organes constitutionnels autrement dit le contrôle du respect des dispositions formelles de la Constitution. Mais lorsqu’il devient juge des dispositions législatives en vigueur, et pas seulement des lois votées mais non encore promulguées, il est conduit à trancher, en fait, dans des contentieux dont la connaissance est en France réservée aux juridictions spécialisées organisées selon le principe de séparation des autorités juridictionnelles administratives et judiciaires et donc de la dualité des ordres juridictionnels. Il le fait certes à la demande des juridictions suprêmes et sur le seul fondement du respect de la conformité ou non de la législation visée à la Constitution, mais sa décision a des conséquences évidentes sur le différend qui a conduit à poser une question de constitutionnalité. La place du Conseil constitutionnel dans l’administration de la justice en France devient difficile à établir. La question est plus grave que celle de la composition du Conseil qui retient habituellement, et à juste titre, l’attention des commentateurs. Reviendra-t-on au système des Parlements d’Ancien Régime ?
28La gravité de ces interrogations commence à apparaître dans les domaines controversés dans l’opinion publique. La récente décision du Conseil constitutionnel concernant l’interprétation à donner au Code civil concernant le mariage entre personnes de même sexe et le renvoi au législateur pour en décider montre la prudence des « sages du Palais Royal », mais met en cause en même temps la permanence de la définition immémoriale de l’union conjugale.
29La tâche des constitutionnalistes contemporains est importante et lourde de conséquence. Comme dans les autres branches du droit, ils sont la doctrine. Or celle-ci ne doit pas être guidée par les seules méthodes d’analyse normativiste au risque d’oublier que le droit est une recherche obstinée du juste et du bien dans la société. Cette recherche commence évidemment par l’observation de la réalité telle que nous la révèlent les constitutions, les lois politiques, les décisions juridictionnelles, les normes du droit international. Mais, dans cet immense corpus une discrimination s’impose entre ce qui peut être qualifié de droit constitutionnel structurant l’État de droit et ce qui n’est que formule camouflant un pouvoir tyrannique ou une éphémère manifestation des désirs et délires d’une société déboussolée.
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2012-1-page-3.htm