Tout ce que vous devez savoir sur l’interdiction bancaire
L’INTERDICTION PEUT ÊTRE ÉVITÉE SI LA PERSONNE PAYE UNE AMENDE FISCALE. EN CAS DE NON-RESPECT DE L’INJONCTION, LA PERSONNE ENCOURT L’EMPRISONNEMENT ET UNE AMENDE. LE CHÈQUE POSTDATÉ EST FORMELLEMENT INTERDIT PAR LA LOI.
Quelque 642 385, c’est le nombre d’interdits d’émission de chèques à fin 2017, selon la Centrale des incidents de paiement sur chèque (CIP). Ce chiffre reste largement dominé par les personnes physiques, qui représentent près de 88% de celles qui sont interdites d’émettre des chèques.
Ces chiffres alarmants pourraient traduire un certain laxisme de la part de certaines personnes quant à l’utilisation de leurs chéquiers ou tout simplement un manque de connaissance quant à sa valeur juridique. Pourtant, ce moyen de paiement est régi par plusieurs articles de loi, au niveau du Code de commerce, du Code pénal et de la réglementation bancaire.
Conditions de fond pour tomber sous le coup de l’interdit bancaire
«Il faut savoir que tout rejet de chèque n’est pas automatiquement assimilé à un incident de paiement susceptible d’entraîner une interdiction bancaire. Selon la loi, n’est considéré en tant que tel que «le non-paiement des chèques pour défaut ou insuffisance de provision». Le règlement partiel du chèque à concurrence de la provision disponible ainsi que le défaut de paiement des chèques émis sur un compte clôturé ou frappé d’indisponibilité sont, par assimilation, considérés comme incidents. Ce n’est pas le cas de certaines autres formes de rejet, telles que l’absence ou la non-conformité de la signature, la surcharge, la non-conformité de la somme en lettres et en chiffres, etc.», explique un directeur d’agence bancaire.
Procédure d’interdiction bancaire
«Avant d’arriver à l’interdiction, le client dispose de 3 chances avant de passer à la trappe», résume une source proche du médiateur bancaire. En effet, il est possible de recouvrer la possibilité d’émettre des chèques conformément à l’article 314 du code de commerce, si la personne s’acquitte d’une amende fiscale auprès de la perception, dont le montant est de 5 % au premier incident de paiement (1ère injonction), 10% au second et de 20% au troisième.
Une fois la situation totalement régularisée, la banque préviendra le service de centralisation des incidents de paiement à Bank Al-Maghrib qui supprimera alors le nom du client du fichier national des chèques irréguliers. Il recevra, par la suite, une attestation de régularisation et pourra de nouveau émettre des chèques, une fois sa situation régularisée.
Il faut savoir que tout rejet de chèque entraîne des frais bancaires prélevés directement sur son compte bancaire. Il est donc important de faire des photocopies des justificatifs des amendes payés aux fins de régulariser le rejet chèque.
Il arrive toutefois que des banquiers protègent leurs clients privilégiés contre l’incident de paiement en invoquant un autre motif de rejet du chèque que l’absence de provision…
«Nous tentons d’appeler nos meilleurs clients quand c’est possible et parfois nous forçons même l’opération bien que le compte ne soit pas suffisamment provisionné et que son titulaire, bien connu de nos services, n’a pas une autorisation de découvert. On l’invite ensuite à régler dans les plus brefs délais. Certains vont encore plus loin en demandant une annulation de l’incident auprès de la banque centrale, prétextant que c’est une simple erreur du banquier», ajoute un autre chef d’agence
Pour le client lambda, sa banque devra délivrer au bénéficiaire du chèque un certificat de refus de paiement qui doit mentionner, entre autres, le montant disponible sur le compte de l’émetteur.
En cas d’interdiction bancaire, le client reçoit via sa banque une lettre d’injonction pour lui demander de ne plus émettre, pendant une durée de dix ans, des chèques autres que ceux permettant le retrait de fonds ou ceux qui sont certifiés, ce conformément à l’article 313 du code de commerce. Et de lui restituer immédiatement, ainsi qu’à tous les autres établissements bancaires, les formules de chèques en sa possession.
Bank Al-Maghrib est instantanément tenue au courant de l’incident, grâce à un système centralisé qui la lie dorénavant au réseau bancaire. Ce n’était pas le cas il y a quelques années, nous explique le directeur d’agence, «Avant, la banque devait déclencher manuellement la procédure d’interdiction bancaire en informant Bank Al-Maghrib au plus tard le cinquième jour qui suit la date de l’incident. Au-delà, elle s’expose à des sanctions pécuniaires, allant de 5 000 à 50000 dirhams, et même parfois à des sanctions pénales».
Il faut noter que, même en étant interdit bancaire, la personne continuera à faire fonctionner son compte. Elle pourra, par exemple, garder sa carte de retrait, effectuer des virements et opérer certains prélèvements. Elle continuera aussi à recevoir ses relevés bancaires.
Par contre, si malgré l’injonction elle émet un chèque classique, autre que ceux qui lui sont autorisés (certifiés ou de retrait de fonds), la personne encourt non seulement une amende (1 000 à 10 000 DH), mais également l’emprisonnement (un mois à deux ans). Pour sa part, la banque est obligée de payer les chèques émis en violation de l’injonction de ne plus émettre de chèques, si bien sûr l’émetteur dispose d’une provision suffisante sur son compte. Mais elle devra aussitôt notifier Bank Al-Maghrib.
Tout montant émis doit avoir son équivalent sur le compte
Prenons le cas d’un client qui souhaite s’inscrire dans une salle de sport, moyennant pour ce faire plusieurs chèques échelonnés sur plusieurs mois et que l’établissement malgré son engagement vis-à-vis du client, verse tous les chèques en question et qu’au final, le client se retrouve interdit bancaire. Ce dernier peut-il se retourner contre l’établissement ?
Ce genre d’incidents est assez récurrent. Même si la salle de sport ne respecte pas ses engagements, c’est le client qui est exclusivement fautif. Les chèques postdatés sont formellement interdits par la loi. N’importe quel montant émis par l’individu par chèque doit avoir son équivalent en provision sur son compte bancaire. En clair, s’il émet 10 chèques de 1000 DH sur 10 mois par exemple, il devra au préalable avoir les 10 000 DH sur son compte. A défaut, on est dans la création de la monnaie qui est interdite par la loi. «Aucun recours n’est possible auprès de la banque, il se verra donc interdit bancaire», explique un avocat à Casablanca.
Avec 85 milliards de DH d’impayés cumulés pendant 10 ans suite à des incidents de chèques, ce moyen de paiement perd en crédibilité et devient de plus en plus banni chez nombre de commerçants. C’est dans ce contexte que la Banque centrale a mis en place cette année le Service de centralisation des chèques Irréguliers (SCCI) accessible aux acteurs non financiers. Selon les données fournies par Bank Al-Maghrib, près de 1 700 personnes supplémentaires sont interdites de chéquier mensuellement dont 70% de personnes physiques. Chaque mois, le système bancaire enregistre 10 000 oppositions dont 98% pour motif de chèque volé ou perdu et 42000 clôtures de compte. Pour éviter d’en arriver à un incident de paiement, la Banque centrale a décidé de doter les entreprises et commerçants d’un outil d’aide à la décision leur permettant de minimiser le risque d’impayés suite à l’acceptation d’un chèque. Toutefois, cette base de données n’est pas accessible au particulier. Elle s’adresse aux entreprises et aux personnes reconnues commerçantes disposant au minimum d’une patente.
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