L’homéostasie : attention au guet-apens !
L’HOMÉOSTASIE COLLE AU COACH COMME SON OMBRE, D’OÙ L’IMPORTANCE DU TRAVAIL SUR SOI QUE LE COACH DOIT RÉGULIÈREMENT FAIRE. IL NE DOIT PAS SE LAISSER PORTER PAR L’ENTHOUSIASME DU MANAGER. CHAQUE MISSION EST UNIQUE.
Le coach en entreprise est généralement sollicité par le manager qui a besoin d’être accompagné pour obtenir le changement souhaité. Il explique ses «souffrances», résultat de l’écart entre la situation vécue et la situation rêvée. Le coach dispose des compétences et des outils nécessaires pour l’aider à construire des ponts qui le mèneront vers le rivage, tant rêvé. Mais en cours de route, bien des surprises peuvent surgir. Alors, vigilance !
Demandes de changement
Le coaching d’équipe est généralement demandé par le manager qui veut plus d’implication, plus d’esprit d’équipe, plus de collaboration, plus de synergie entre ses collaborateurs, plus d’harmonie, plus d’efficacité. Et aussi, moins de conflits, moins de tiraillement, moins de tension, moins d’erreurs, moins de contre-performance.
Une demande somme toute légitime. Et qui nécessite d’accompagner l’équipe pour passer d’un état qui commence à peser à un état désiré et jusque-là formulé uniquement par le manager. Dans notre langage, nous disons passer d’une zone de confort à une autre.
Ce passage est porteur de turbulences pour l’entreprise. Le coach aide à baliser le chemin. A avancer lentement, mais sûrement. Lentement, car il ne faut pas brusquer la cadence. Sûrement, car «chi va piano, va sano». Les collaborateurs ont besoin d’être rassurés. C’est la stratégie des «petits pas», explique Vincent Lenhardt, coach français et auteur de plusieurs livres de référence. Le coach jauge la capacité de l’équipe à aller vers l’autre rive, ainsi que le rythme auquel elle peut avancer.
Dès que les membres de l’équipe prennent conscience des bénéfices de la nouvelle zone, ils s’engageront plus facilement.
Début de turbulences
Les turbulences font partie du processus de changement. Elles deviennent handicapantes quand la transition n’est pas préparée. Quand elle est improvisée. Les poches de résistance apparaissent. Les collaborateurs ne résistent pas parce qu’ils refusent le changement. Mais parce qu’il est décrété. Parce qu’ils ne sont pas préparés.
Assez souvent, le manager est animé par de très bonnes intentions. Il voit grand et beau pour son équipe. Mais c’est au niveau de la manière d’organiser la transition que les problèmes se corsent.
Le changement décrété réveille notre ancestral «instinct de survie». Et plus la demande de changement est insistante et parfois contraignante, plus le retranchement des collaborateurs derrière leurs «murs» est fort.
Et qu’en est-il du manager ?
A côté de la résistance au changement des collaborateurs, existe une autre résistance, dont on parle très peu. Celle du manager lui-même. Celui qui a souhaité et initié le changement. Il peut refuser les changements induits par le changement qu’il avait souhaité.
Cela peut paraître anachronique, mais cela arrive. Pour illustrer mes propos, je prends l’exemple suivant : un manager veut développer la prise d’initiative de ses collaborateurs. Or, qui dit prise d’initiative, dit autonomie, dit que le manager ne sera plus consulté pour toutes les décisions qui seront prises par ses collaborateurs. Le manager doit accepter de voir ses collaborateurs voler de leurs propres ailes.
Dans ce cadre, la présence du coach est salutaire pour «traverser le Rubicon» sans dommages. Le coach aide le manager à faire le deuil d’un état où il était omniprésent (donneur d’ordre) pour accepter une autre posture : facilitateur.
Le coach ne doit pas se laisser porter par l’enthousiasme du manager. Il prend note de son désir de changement. Mais doit, dans un premier temps, valider avec lui l’amplitude du changement qu’il souhaite. Car le coach ne peut amener son champion que là où il veut. C’est le basique du coaching.
Chaque nouveau «petit pas» est validé pour que toute l’équipe puisse franchir le «Rubicon» en toute sérénité.
L’homéostasie
A quelque niveau que ce soit et à quelques circonstances que ce soit, la résistance au changement est omniprésente pour le coach. Pour Jacques-Antoine Malarewicz, coach français de renom et auteur d’ouvrages de référence en coaching systémique, «le coach est un agent de changement».
Mais, poursuit le coach français, dans son ouvrage «Réussir son coaching – Une approche systémique», «le coach n’est jamais seul. Il est constamment accompagné par une entité sournoise et tenace qui porte le nom d’Homéostasie et qui mérite, ici, une majuscule, son plus fidèle compagnon en même temps que son plus fidèle ennemi».
Dit autrement, l’homéostasie colle au coach comme son ombre, d’où l’importance du travail sur soi que le coach doit régulièrement faire pour ne pas se laisser griser et devenir «sachant».
La résistance au changement la plus difficile à surmonter est celle qui émane de celui qui l’a demandé. «Voilà bien un paradoxe étranger, qui ne peut être accepté qu’avec le recul que donne une expérience certaine», explique J-A. Malarewicz.
«En fait, changement et non-changement vont de pair, un lien très puissant et très étroit unit ces deux mouvements qui ne sont pas opposés mais complémentaires».
Donc, si le coach est l’agent de changement, «l’homéostasie est l’agent de non-changement». Cet agent est aussi motivé que le coach. L’homéostasie est très présente au début de l’accompagnement. C’est cette homéostasie qui nourrit les poches de résistance. Elle a, généralement, bonne presse en période de changement. Tout le personnel attend ses «filets d’actualité». Mais, personnellement, je n’y vois pas que du négatif. L’homéostasie suscite et nourrit la créativité du coach. Plus cet agent est sournois et parfois fort du nombre de ses fidèles, plus le coach jouissant d’«une expérience certaine», pour reprendre l’expression de J-A. Malarewicz, peut en faire un moyen pour innover, pour emprunter des voies inhabituelles.
C’est pour cela que je maintiens que le coaching est un travail d’orfèvre. Mon expérience d’une douzaine d’années en tant que coach m’a appris que les missions ayant le même objectif, par exemple la cohésion d’équipe, ne se ressemblent pas, ni en enjeux, ni en énergie, ni en véhémence de résistance, ni en matérialisation de cet esprit d’équipe. En rien. Chaque mission est unique. L’homéostasie est, également, propre à chaque mission. De fait, le coach a les atouts pour en faire un tremplin qui propulse vers le changement.
Faire le deuil
J-A. Malarewicz explique que la demande du manager, «j’ai envie de changer», signifie en langage de coaching : «avant de changer, j’ai d’abord besoin de faire le deuil de ce que je quitte».
Or, toujours selon lui, «plus le rythme des changements dans l’entreprise s’accélère, plus il est difficile de prendre en compte la nécessité d’un confort psychologique que la société réclame de plus en plus clairement». Ce confort psychologique peut être, rarement, pris en compte par l’équipe dirigeante, car portée par l’énergie libérée et aussi par ignorance. Cette ignorance est, parfois, amplifiée par l’exercice du pouvoir hiérarchique. Quand c’est le manager qui décrète le changement, il devient une source de souffrance pour les collaborateurs.
«La prise en compte des processus de deuil constitue une des façons de répondre à la nécessité d’une humanisation des relations dans l’entreprise», dixit Malarewicz.
Changer, oui. Aller vers de nouvelles zones de confort, oui. Négliger «confort psychologique» des collaborateurs, non. C’est la non-prise en considération de ce confort qui fait passer à la trappe des projets de changement très ambitieux.
Ce qu’est l’homéostasie
L’homéostasie est la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes. Le concept aurait été évoqué pour la première fois en 1866 par le médecin et physiologiste français Claude Bernard. Aujourd’hui, le concept englobe d’autres systèmes que ceux purement organiques : une organisation ou une entreprise.
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